QUATRE ANNEES EN CAPTIVITE A PUCHHEIM
 
Mon grand-père maternel, natif d'Orgon a eu la "chance" d'être blessé au tout début de la guerre (en août 14) ce qui lui a permis d'éviter l'enfer des tranchées et de passer toute la guerre en captivité à Puchheim, petite localité à l'ouest de Munich.

Le hasard a voulu que mes débuts professionnels me conduisent à Munich en 1983 - il était encore en vie ! - mais jamais je n'ai eu la curiosité de me rendre à Puchheim à l'époque, alors que je savais bien que mon grand-père y avait été prisonnier.

De ce que ma mère m'a raconté, il aurait été blessé par un obus le 15 aôut jour de la Vierge, à qui il attribuait d'avoir eu sa jambe sauvée (il aurait dû être amputé et c'est un médecin allemand qui lui avait permis de conserver sa jambe qu'il avait eue arquée le restant de sa vie). Il est du reste décédé ... un 15 aôut, il y a juste 30 ans ...

Le lieu de cette blessure d'obus est Dieuze où s'est déroulée la bataille de Morhange.

Article paru le 13 février 1915



Il semble que les années de captivité à Puchheim - dont il n'a jamais parlé - n'ont pas été trop dures en comparaison au front, ce qui sera confirmé par Erich Hage et son livre (voir ci-dessous). Ils recevaient les mêmes rations de nourriture que leurs homologues allemands auxquelles venaient s'ajouter les colis envoyés par les familles. Des activités comme le théatre permettaient aux prisonniers de se distraire.

Le temps passant, la médiatisation du centenaire de la déclaration de guerre m'a conduit à m'intéresser de plus près à cette histoire.

Un échange avec la mairie de Puchheim m'a permis d'entrer en contact avec Erich Hage qui a écrit un livre très intéressant sur le sujet, "Gefangen in Puchheim" ("En captivité à Puchheim") qu'il a eu la gentillesse de m'envoyer. Mieux que cela , j'ai eu la chance de le rencontrer en octobre 2015 alors que je me trouvais à Munich au moment de la célèbre fête de la Bière !

Nous nous sommes retrouvés à la gare de Puchheim et avons parcouru à pied le chemin qui menait au camp, et que mon grand-père avait donc parcouru pendant l'été 1914.
On retrouvera l'endroit ici et on peut même en avoir une idée au travers de streetview. On reconnaît aisément les rues à angle droit qui reflètent l'ancienne structure du camp.



Passionné par l'histoire de ce camp, Erich Hage m'a expliqué que le site était à l'origine un aérodrome, le premier de Bavière, où avaient même eu lieu des spectacles de voltige aérienne dans les années qui avaient précédé la guerre. Ouvert en 1910, il a fêté ses 100 ans en 2010 -> http://www.flugfeld-puchheim.de/

Il a été décidé de le "recycler" en camp de prisonniers dès le début des hostilités, pour accueillir essentiellement des soldats français et russes.
La présence de la gare toute proche facilitait les acheminements depuis Munich.

Ces anciennes cartes postales permettent de se faire une idée de ce à quoi ressemblait le camp de prisonniers à l'époque.







Si les Français sont repartis après la guerre, soit vivants, soit exhumés pour ceux qui étaient morts dans le camp afin d'être enterrés dans leur terre natale, il en alla différemment des Russes : les morts sont restés dans un cimetière attenant au camp ... et les vivants ont, pour nombre d'entre eux, préféré rester en Bavière que de de retourner dans leur Russie natale, devenue soviétique ...

Abandonné pendant l'entre deux guerres, le camp ouvrit à nouveau à la fin de la seconde guerre mondiale pour une nouvelle vocation, à savoir l'accueil des réfugiés allemands, chassés des territoires du Reich repris par les soviétiques (actuelle Tchécoslovaquie). J'en ai un exemple vivant par mon meilleur ami de Munich, dont les parents - adolescents à l'époque - étaient dans cette situation ... Certains d'entre eux se sont vu attribuer dans l'ex-camp de prisonniers une parcelle dans laquelle ils ont pu construire leur maison ...

Des descendants de ces réfugiés allemands habitent encore aujourd'hui certaines de ces maisons - bien sûr refaites depuis l'époque. La zone du camp est devenu une zone résidentielle proprette, où l'on reconnaît à peine la structure du camp par les rues rectilignes dont une s'appelle "Lagerstrasse" ("rue du camp").

Notre promenade dans la zone du camp s'est terminée "à la bavaroise" autour d'une bonne bière dans l'un de ces Biergarten dont les bavarois sont les spécialistes ...

Le livre d'Erich Hage

Plus d'infos ici : http://www.puc-puchheim.de/gefangen-in-puchheim.html


Erich Hage lors d'une présentation de ses travaux


Ci dessous un souvenir émouvant du séjour de mon grand-père au camp de Puchheim : Il s'agit d'un os à moëlle transformé en rond de serviette, sur lequel sont gravés son prénom ainsi que le nom du camp. Une véritable oeuvre d'art, sculptée par un codétenu anonyme de mon grand-père !


Ci dessous le dossier matricule de mon grand-père (accessible en ligne sur le site des archives départementales des Bouches du Rhône)

(Tout en bas de la première image figure son internement à Puchheim)
"Fait prisonnier le 20 aôut 1914 à Dieuze (*) , Interné à Puchheim"



Dieuze, où mon grand-père a été blessé et fait prisonnier en Août 14 faisait partie à l'époque du territoire cédé à l’Empire allemand en 1871, territoire devenu le Reichsland Elsass-Lothringen.

Pendant l'annexion allemande, la commune faisait partie du Landkreis Château-Salins et comptait près de 6000 habitants en 1914.

Les jeunes appelés de cette ville faisaient leur service militaire dans l'armée impériale.

Il est à noter que si certains rejoignent la France au début des hostilités, en 1914, la majorité d'entre-eux se battront pour le Reich allemand jusqu'en 1918.


Mon grand-père au mariage de ma mère en 1959. Il a 70 ans
Il décèdera en 1985 âgé de 95 ans ...